Bonjour Pierre, nous poursuivons notre mini-série sur la sécheresse et les leviers d’adaptation du jardin au changement climatique. Après avoir, si je peux dire, planté le décor et esquissé des voies de transformation de nos villes, nous allons aborder aujourd’hui des astuces concrètes, pour nos jardins.
En faisant avec l’existant, avec le jardin ou la terrasse que chacun a déjà, quel plan d’urgence pouvons-nous mettre en œuvre ?
Si l’on a encore la possibilité d’arroser, autrement dit hors restrictions, quelques précautions permettent de limiter sa consommation. Première règle : ne jamais arroser la journée. La quasi-totalité de l’eau est en effet évaporée sous l’effet du soleil et n’atteint pas sa cible : le sol et les racines de vos végétaux. Arrosez donc le soir, si possible à la tombée de la nuit. Cela limitera l’évaporation de l’eau. Ensuite, arrosez lentement, à basse pression, et de manière ciblée : évitez les jets d’eau dans toutes les directions. Un moyen simple de mesurer et de modérer votre consommation d’eau est d’arroser manuellement, avec un arrosoir. Vous pouvez ainsi faire couler l’eau lentement, mais aussi compter le nombre d’arrosoirs et donc le volume d’eau que vous utilisez, un arrosoir contenant généralement 10L d’eau. Autre astuce, si vous devez éviter le port de charges et arroser avec un tuyau : comptez, en secondes, le temps qu’il vous faut pour remplir un arrosoir. Comptez ensuite le temps que vous prend l’arrosage de chaque massif. Vous estimerez ainsi votre consommation.
Que faire pour retenir l’eau au jardin ?
Pour les arbres, créez autant que possible des cuvettes autour du tronc. Autrement dit, creusez légèrement et rapportez un peu de terre pour créer un boudin circulaire autour de l’arbre. Arrosez à l’intérieur de cette digue et laissez l’eau s’infiltrer. Pour les endroits les plus secs, vous pouvez creuser des trous à la barre à mine près de l’arbre, afin de permettre à l’eau d’atteindre plus directement les racines. Attention cependant à ne pas les couper. Pour limiter l’évaporation de l’eau, pensez aussi à pailler largement vos massifs, avec des déchets végétaux par exemple. Evitez les paillages minéraux, qui vont renforcer la chaleur et l’évaporation. Un outil ancestral, millénaire, très « low tech », fait un retour remarqué dans les jardins : j’ai nommé les ollas. Un agronome en relatait déjà l’existant dans la Chine ancienne. La technique s’est ensuite diffusée en Afrique et en Amérique du Sud. Le terme olla, ou Oya signifie « pot » en espagnol. Il s’agit concrètement d’un pot en argile, poreux, de forme oblongue, qui permet d’économiser jusqu’à 70 % d’eau.
Comment fonctionne un olla ?
Les ollas sont enterrés dans le sol. L’eau se diffuse par capillarité tout près des racines et est donc facilement disponible pour les plantes, ce qui limite leur stress hydrique. Un remplissage tous les 3 à 10 jours suffit, suivant les modèles.
Que peut-on faire d’autre, notamment sans arroser ?
Il est possible de tailler les végétaux, pour rééquilibrer la partie végétative - les branches, tiges et feuilles - avec le volume racinaire. En revanche, on évite de tondre trop souvent. De toute façon, vous connaissez mon point de vue : pas de tonte avant la mi-mai, pour préserver la faune lors de sa période de reproduction et tondre des allées seulement, lorsque l’on a de grandes surfaces.
Et comment gérer l'eau au potager ?
Une astuce que j’ai apprise récemment : plantez vos tomates assez profondément, en enterrant le collet. Cela provoque la création de plus de racines, favorisant la résistance de vos plants. Le plus important reste, après ces épisodes critiques, de repenser son jardin au prisme du réchauffement climatique et de la préservation de l’eau en maximisant la récupération des eaux de surface, par exemple en installant une réserve d’eau de pluie et en plantant des végétaux moins gourmands en eau. Pour récupérer l’eau de pluie, il existe bien des solutions. Tout d’abord en réemployant des bidons détournés de leur usage premier, mais aussi grâce à des dispositifs simples disponibles dans les jardineries et magasins de bricolage, qui se branchent sur les gouttières. Il est même possible d’installer, en plus d’une cuve, une dérivation permettant de remplir un arrosoir.
Pour aller plus loin, quelles ressources pouvons-nous consulter ?
Je vous conseille deux lectures à ce sujet. Tout d’abord, les ouvrages de Clara et Olivier Filippi, pépiniéristes installés dans l’Hérault et spécialistes du jardin sec, depuis de nombreuses années. Ils présentent des végétaux adaptés à l’évolution du climat, qu’ils ont testé dans leur propre jardin. Je vous suggère aussi de lire « Mon jardin s'adapte au changement climatique. Anticiper, repenser et aménager », paru en 2021, de Pierre Nessmann, éminent jardinier et chroniqueur jardin sur les ondes d’une autre radio, que je salue, par la même occasion !
Merci Pierre. Nous pouvons retrouver vos chroniques sur le site internet de RCF Lyon, comme celle nous incitant à avoir des pelouses plus frugales et économes en eau. Merci Marie. Portez-vous bien, cultivez votre jardin et surtout… Restons en lien !