Bonjour Pierre, un phénomène climatique touche de plein fouet notre région et la majorité de l’hexagone : la sécheresse. Les agriculteurs et les jardiniers en particulier en subissent directement les conséquences. Il m’a semblé utile de consacrer une chronique à ce sujet. Nous allons y consacrer deux chroniques consécutives. Dans une première partie, vous allez nous aider à bien comprendre l’urgence de la situation. Dans un second épisode, vous nous présenterez des solutions pratiques, au jardin.

Première question, Pierre, quelle est la situation ?

Nous connaissons actuellement des pics de chaleur qui se prolongent et une sécheresse qui touche de nombreux départements. Le déficit de précipitations entre septembre et avril s’élève à 20 % en moyenne, si bien que deux tiers des sols sont secs à très secs sur le territoire. L’automne a été sec. Décembre globalement plutôt humide. Mais depuis janvier, le déficit de précipitation est de 40 à 80 % suivant les régions, ne permettant pas de remplir suffisamment les nappes phréatiques. De ce fait, près de 70 % des nappes ont un niveau orienté à la baisse, comme le pointe le Bureau de recherches géologiques et minières.

La sécheresse est-elle la conséquence du réchauffement climatique ?

Absolument. Le GIEC, le groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique l’a affirmé à plusieurs reprises : le réchauffement climatique entraine des épisodes climatiques extrêmes, avec notamment un dérèglement des cycles de l’eau. Cela se manifeste par des épisodes pluvieux très violents sur de courtes périodes et la recrudescence d’épisodes de sécheresse.

N'avons-nous pas déjà connu des sécheresses ? L’année 1976 revient souvent dans la bouche de nos ainés.

Bien sûr, les sécheresses ne sont pas nouvelles. C’est la forte hausse de leur fréquence qui est nouvelle et est un témoin du dérèglement global du système Terre. Tout récemment, des scientifiques ont même publié un article dans la revue Nature attestant du fait que nous avions dépassé une nouvelle limite planétaire, celle du cycle de l’eau verte.

Qu’est-ce que l'eau verte ?

Pour faire simple, il s’agit de l’eau contenue dans les sols, à la différence de l’eau bleue, contenue dans les lacs, rivières et nappes phréatiques. Elle est peu visible, mais essentielle. L’artificialisation des sols, par l’urbanisation, la déforestation et l’agriculture intensive, qui abiment la vie du sol et en perturbent le fonctionnement, sont majoritairement responsables de cette situation.

Comment pouvons-nous remédier à ce phénomène, à l’échelle des villes ?

En favorisant notamment ce que l’on appelle les solutions fondées sur la nature, autrement dit les solutions techniques qui s’inspirent des mécanismes du vivant. Certains parlent d’infrastructures vertes, par opposition aux infrastructures dites grises, comme les tuyaux en béton.

Quel est le problème de ces infrastructures grises et en quoi les infrastructures vertes sont-elles vertueuses ?

Les villes se sont construites en tournant le dos à l’eau de pluie qui, stagnante, était synonyme de maladies. Les réseaux d’infrastructures grises sont composés de grilles, de tuyaux et de bassins qui ont un objectif principal : évacuer l’eau de la cité. Or, les épisodes de fortes pluies ou de sécheresse intense plaident pour un retour de l’eau en ville. Il convient maintenant de favoriser l’infiltration lente des eaux. Le long des voies, au bord des parkings, il est possible de créer des noues, des fossés qui permettent l’infiltration lente des eaux. Il y a également un mouvement global de « désimperméabilisation » des surfaces. Par exemple, dans les zones en tous genres – industrielles, d’activités, commerciales – le bitume peut être retiré par endroits, par exemple sur des parkings désaffectés ou lors de leur rénovation, en les remplaçant par du sol ou par des revêtements poreux. Des jardins de pluie, sorte de réservoirs d’eau à faible profondeur ou au sol, sous la forme de grandes jardinières, sont créés quant à eux pour stocker les eaux de pluie des voiries ou des toitures d’un bâtiment et permettent d’alimenter les végétaux qui poussent au-dessus d’eux. Cette gestion de l’eau à l’intérieur de la ville permet à la fois de diminuer l’arrosage, de limiter le risque inondation mais aussi de rafraichir.

Comment cela ?

À faible profondeur, dans le sol, l’eau peut s’évaporer et, en passant de l’état liquide à l’état gazeux, on consomme de l’énergie, ce qui procure une sensation de fraicheur. On parle ainsi d’oasis ou d’ilots de fraicheur, qui font partie des outils pour combattre le phénomène d’ilots de chaleur.

Merci Pierre pour ce tableau et ces perspectives qui montrent que, malgré une situation critique, il est possible d’adapter nos villes au changement climatique et de renouer avec le cycle de l’eau. Nous pouvons retrouver vos chroniques sur le site internet de RCF Lyon et vous donnons rendez-vous très bientôt pour le prochain épisode, consacré aux solutions pratiques, pour nos jardins. Merci Marie. Portez-vous bien, cultivez votre jardin et surtout… Restons en lien !